H.E. Amb. Josefa Leonel Correia Sacko

Du 7 au 9 mai 2024, plus de 4000 participants, parmi lesquels 10 chefs d’État et 30 ministres des affaires étrangères et d’agriculture, se sont réunis à Nairobi, Kenya pour assister au “African Fertilizer and Soil Health Summit” (AFSH24).

Cet événement important, organisé par l’Union Africaine et accueilli par le gouvernement du Kenya en collaboration avec les etats membres de l’UA, des communautés économiques régionaux (RECs) et leurs partenaires, avait comme thématique “Listen to the land” (“Écoutons nos terres”) et ceci n’aurait pas pu être davantage le bon moment. Le sommet a eu lieu à un moment où le monde, et surtout l’Afrique, est en train de souffrir d’une crise alimentaire sans précédent. Les estimations récentes indiquent que presque 282 millions de personnes en Afrique ont été mal nourris en 2022, ce qui représente une augmentation de 57 millions de personnes depuis la pandémie de COVID 19. Une plus grande proportion de la population africaine fait face à l’insécurité alimentaire, comparée avec les autres régions mondiales – presque 20%, comparé à 8.5% en Asie, 7% en Océanie, et 6.5% en Amérique du sud et aux Caraïbes.  Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à une alimentation saine et équilibrée.
En plus, environ 30% d’enfants sur le continent africain ont une croissance limitée dûe à la malnutrition. L’Afrique n’atteint pas actuellement ses objectifs, ni en ce qui concerne la nutrition et la sécurité alimentaire des “Sustainable Development Goals” avant 2030, ni pour les objectifs de Malabo (mettre fin à l’insécurité alimentaire et de toutes formes de malnutrition avant 2025).

Transformer le secteur agricole, surtout pour les intrants tels que les engrais, l’irrigation et la mécanisation devient urgent pour que notre continent puisse nourrir sa population de 2,5 milliards de personnes, de façon saine et équilibrée, avant 2030 – tout en devenant le ‘panier de pain’ du monde entier.
Cet événement nous a fortement rappelé que l’Afrique devrait accélérer la mise en place des objectifs définis dans la Déclaration d’Abuja de 2006, ce qui a comme but un taux d’application d’engrais de 50 kg par hectare avant 2015. Nous nous réjouissons qu’au moins 10 pays ont atteint ou dépassé cet objectif – leur succès servira en tant d’exemple et pour les autres pays. Néanmoins, ceci reste alarmant: presque la moitié du continent applique, en moyenne, moins de 10 kg par hectare. En plus, 70% de l’engrais produit en Afrique n’est pas utilisé sur le continent; ce qui veut dire que beaucoup de fermiers comptent sur les engrais importés; qui restent chers, et moins accessibles.
Par conséquent, les fermiers africains sont obligés de labourer des sols dégradés, ce qui se termine par des récoltes très faibles; y compris une production de céréales de seulement 1,65 tonnes par hectare en 2022, bien plus bas que la moyenne globale de 4 tonnes par hectare. Parmi la mauvaise santé des sols, les récoltes déclinantes, l’expansion des terres non durables et la dégradation environnementale générale, les fermiers ont choisi l’expansion des terrains agricoles. Ceci est une réaction face à la dégradation des terres, ce qui touche actuellement  presque 46% des terrains africains – ou 9,5 milliards de dollars (USD) chaque année.
L’Union africaine a déclaré l’importance de convoquer la réunion AFSH. Les objectifs primaires étaient de renforcer les engagements en ce qui concerne les objectifs de la Déclaration d’Abuja et d’établir la santé de nos terres en tant qu’élément essentiel pour la productivité et la durabilité désormais.

De plus, cette conférence a insisté sur les stratégies d’accélération pour le commerce intra-africain (surtout pour la production locale des engrais), ainsi que l’amélioration de la position d’Afrique au marché mondial. Le “African Continental Free Trade Area (AfCFTA) a été renforcé donc, en tant que moteur de croissance et de développement durable, qui a la capacité de faire doubler le commerce intra-africain, et de renforcer la voix commune de l’Afrique dans les négociations commerciales globales.


Ces ambitions ont été inscrites dans la Déclaration de Nairobi, soutenue par 33 gouvernements africains. De plus, un plan d’action de 10 ans pour les engrais et la santé des sols, ainsi qu’un mécanisme pour le mettre en place (Africa Fertilizer Funding Mechanism – AFFM) dirigé par le African Development Bank Group, a été établi pour encourager l’utilisation des engrais. Il s’agit aussi de renforcer la productivité agricole à travers le continent, grâce à des solutions financières innovantes qui soutiendront une utilisation plus forte d’engrais à court terme. Heureusement, l’Afrique ne part pas de zéro, et a déjà mis en place certains mécanismes qui encouragent la production locale d’engrais, ainsi que d’autres actions et investissements dans le but de transformer la santé de nos terres africaines.

La mise en œuvre du plan d’action sera surveillée par le Comprehensive Africa Agriculture Development Programme (CAADP) Biennial Review Mechanism. Sa mise en œuvre contribuera non seulement à la question de la santé des sols, mais aussi à l’engagement numéro 5 du Malabo Declaration, sur le renforcement de la résilience des systèmes de production, face au changement climatique et d’autres risques similaires. Cet engagement constitue également un engagement sur la santé durable des sols, l’accélération de la transformation agricole inclusive (avec accès aux intrants) et la fin de l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la pauvreté.

La Déclaration de Nairobi a vu les chefs d’État africains se réunir sur 7 engagements essentiels, avec la promesse de les réaliser dans les dix prochaines années:

1. Tripler la production et la distribution des engrais organiques et inorganiques avant 2033, afin de renforcer l’accessibilité et l’abordabilité pour les petits producteurs.
2. Fournir au moins 70% des fermiers des recommandations adaptées, pour s’assurer d’une plus grande efficacité – ainsi qu’une utilisation d’engrais durable.
3. Restaurer la santé des sols sur au moins 30% des terres dégradées avant 2033, afin de faire marche arrière sur la dégradation de nos sols.
4. S’assurer de la mise en opération du Africa Fertilizer Financing Mechanism (AFFM) afin de rationaliser la production, l’approvisionnement et la distribution des engrais et des interventions pour la santé des sols.
5. Développer et mettre en place des politiques et des régulations qui soutiennent les engrais et les interventions pour la santé des sols.
6. Promouvoir le renforcement des capacités nationales pour l’adaptation locale des pratiques et des technologies de la santé agricole.
7. Assurer l’accès aux services d’extension et de conseil sur l’engrais et sur la santé des terres pour au moins 70% des petits producteurs africains.


Ces engagements représentent l’indicateur avec lequel les fermiers africains mesureront les actions de leurs leaders.
Entre-temps, le Soil Initiative for Africa (SIA) Framework a été promu en tant que guide pour le renforcement à long terme de la santé des sols africains, dans le but de booster la productivité, l’accessibilité aux eaux, et la résilience au changement climatique. Le cadre du ‘SIA’ cherche à transformer les petites fermes en entreprises viables, promouvoir la gestion durable des sols, et encourager l’utilisation des technologies; tout cela s’aligne avec l’ambition numéro 1 de “l’agenda 2063” (construire une Afrique prospère, fondée sur la croissance inclusive et le développement durable, et mettre fin à la pauvreté).
Tout ceci est également dans le but de transformer radicalement l’Afrique pour qu’elle puisse devenir un acteur important en tant qu’exportateur alimentaire, exploiter son potentiel en tant qu’économie bleu ou “océan”, et mettre en place les mesures de gestion durables en ce qui concerne ses terres, sa biodiversité, ses forêts et ses eaux et les risques du changement climatique.
Pour conclure, il est important de noter que cet engagement important pris à Nairobi au mois de mai, au AFSH24, confirme la volonté de continuer le progrès déjà fait par les pays africains sur la restauration de leurs sols. Cet événement leur a permis aussi de prendre les prochaines démarches, en créant une approche vraiment holistique qui encourage la durabilité des actions proposées.
L’Union africaine a lancé le développement du Post-Malabo 10-year agenda, ce qui suit vingt ans des actions du CAADP – qui lui a vu des progrès énormes sur la croissance économique et agricole, ainsi qu’une amélioration dans les niveaux de pauvreté et de malnutrition, l’expansion du commerce agricole, et des investissements publics dans l’agriculture.


Le programme de développement après le “Malabo agenda” a été officiellement lancé le 8 mars 2024, sachant que la Déclaration de Malabo expire en 2025. D’où le besoin urgent de créer un plan d’action vraiment africain, basé sur les faits et les données, et qui reste inclusif. Le plan d’action de 10 ans soulignera les objectifs et les actions pour la transformation agricole et pour les investissements qui assurent le développement des systèmes agri-food sur le continent.
Ce processus nécessite des consultations rigoureuses, des données basées sur l’évidence et l’inclusivité, pour bien établir la direction de la transformation agricole sur les dix prochaines années. L’Union africaine tient donc à mobiliser ses États membres, les communautés économiques régionales (RECs), ses partenaires et toutes parties prenantes, pour se mettre ensemble sur le développement d’un fort programme CAADP de la transformation agricole africaine, qui suivra la Déclaration Malabo de 2014-25, sur la transformation et la croissance accélérée pour la prospérité partagée et la subsistance améliorée.

Auteur: Commissionnaire de l’agriculture, du développement rural, de l’économie bleu et de l’environnement durable (ARBE) de la commission de l’Union africaine.

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